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#1 2017-01-31 18:56:04

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Перевод с французского. Публицистика.

Management : la technique de la chouquette

Ce nouveau rituel qui consiste à offrir des viennoiseries à ses subordonnés est là pour rappeler la fonction nourricière de la hiérarchie.

À quoi reconnaît-on aujourd’hui un vrai leader ? C’est très simple : à sa capacité à articuler un discours de conquête audible avec une chouquette géante calée dans le creux de la joue. En d’autres termes, à rester à peu près crédible malgré des airs de hamster en pleine besogne.

Cette aptitude à l’éloquence masticatoire est d’autant plus nécessaire que la chouquette a fait une percée spectaculaire dans les espaces de travail durant la dernière décennie. Lorsqu’il s’agit de surligner au Stabilo le cool régnant au bureau, le « casual friday » (cette petite décontraction vestimentaire qui fait ressembler la fin de semaine à une université d’été des Républicains) a été remplacé par le «chouquette meeting » (cette orgie alimentaire généralement matinale).

Un message subliminal

Comme bien souvent en entreprise, la chouquette est non seulement une pâtisserie constellée de petits cristaux blancs, mais également un message subliminal. Derrière le caractère décontracté de ce nouveau rituel, on voit se dessiner un rappel à la fonction nourricière de la hiérarchie.

Dans une entreprise de moins en moins verticalisée, le chef, à qui il revient généralement de financer ces pâtisseries un peu collantes, réinstaure ainsi une dynamique paternaliste au travers du « chouquette management ». « C’est un peu grâce à moi que tu manges, mon enfant », dit-il en substance, en mettant au milieu de la table l’opulent sachet dans lequel toutes les mains viennent se plonger. Mais pourquoi la chouquette?

A ce stade, n’ayant aucune étude scientifique pour appuyer notre réflexion, nous ne formulons que des hypothèses hasardeuses. Peut-être faut-il voir simplement la chouquette comme une madeleine encore plus générique, son puissant pouvoir d’évocation nostalgique nous renvoyant à cette période dorée de l’enfance où la boulangère nous en offrait généreusement.

Manipulation douce

Mais, par son ambivalence foncière, ce geste n’aura jamais cessé de nous interroger. Est-ce réellement parce qu’elle me trouvait trop craquant que l’altruiste boulangère m’en tendait une à chaque visite, ou alors avec l’arrière-pensée du dealer, pour que je conduise mes parents vers ce commerce à la prodigalité intéressée ? A chaque fois que je me retrouve en présence de chouquettes, c’est donc ce sentiment de manipulation douce qui affleure à nouveau.

En remontant plus loin encore, la chouquette, avec ses allures d’alcôve, évoque la chaleur utérine du ventre de la mère, ce lieu emblématique où les nutriments nous parvenaient sans effort par le cordon ombilical. Titiller ce désir régressif doit donc s’envisager, aussi, dans sa dimension fonctionnaliste. Le « chouquette management », réactivation de lointains sentiments agréables, invite à une forme de relation au chef consentante, sans conflit, pré-œdipienne.

Comme la carte d’un ciel artificiel, les petits picots blancs sur la pâte participent d’une géographie secrète de l’open space, une constellation enfantine sous-jacente extrêmement vaste où chacun sait qu’à tout moment, en cas de coup dur, il peut trouver du sucre. Si ce n’est pas sous la forme emblématique d’une chouquette, cela peut tout aussi bien être des crocos Haribo ou du quatre-quarts breton. Bref, un mode de résolution glycémique des tensions dans lequel, in fine, Marx aurait vocation à être remplacé par un sachet de Mars.

D’après LE MONDE janvier 2017

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